Lundi 26 avril 1999
        Eloge de la lenteur
Que cela fait du bien d'entendre un autre son de cloche, de s'éloigner de la pression ambiante. Dans un bref essai chez Payot en 1998, Pierre Sansot, l'auteur des fameux " Gens de peu " nous offrait un manuel " Du bon usage de la lenteur ". Le propos en est tout simple, modeste et ambitieux à la fois : " ne pas nous oublier en chemin ". Il nous l'offre à une époque où, " ce qui est nouveau, c'est que l'agir apparaît aujourd'hui comme une valeur supérieure, comme si faute d'agir un individu s'exténuait et disparaissait. De ce fait, les rêveurs, ceux qui contemplent ou qui prient, qui aiment silencieusement ou qui se contentent du plaisir d'exister, dérangent et sont stigmatisés. " De quel côté vous situez-vous ? Du côté des acteurs ou des rêveurs, ou mieux encore, au bon milieu entre les deux ? Pour faire un pas de plus vers le vagabondage heureux, les pistes lancées sont évidentes…
- " Ecrire ou peindre ou danser ou produire des œuvres musicales - non point d'abord pour éprouver ses talents ou pour dire le monde ou pour aider ses semblables à donner un sens à leur vie, mais pour chercher à s'approcher de soi et ne pas " se louper " durant toute une existence ".
- S'adonner à l'art du peu. Et ce " n'est pas peu de chose. Il nécessite de l'ingéniosité, on n'a pas le droit à l'erreur, aux chutes, car le projet et les moyens préexistent à l'individu qui doit s'en satisfaire. Il manifeste une manière de vivre, de la sagesse, ne pas récriminer, ne pas demander la lune, tirer parti de ce que les circonstances nous offrent, ne pas regarder amèrement ceux qui se situent en haut de l'échelle sociale, mais procéder selon ses goûts et sa fortune avant d'éprouver la fierté d'avoir tenté. "
- Faire " le serment d'effleurer et non d'empoigner - et alors les êtres nous livreront ce qu'ils sont, ce qu'ils consentent à être, progressant vers nous à l'allure qui est la leur, parfois sur un mode vivace, parfois sur un mode lent ".
Son bonheur à lui qui se délecte de ces conseils ? " Me présenter comme un vivant face à la mort, ce serait la plus belle des fins ". Rien à ajouter.
(Du bon usage de la lenteur, Payot, 1998, 210 p.)

       100 % nouveau, 100 % utile ?
Pour être nouveau, le produit l'est. Un titre en anglais, des promesses exorbitantes (" vous ne vivrez plus de la même façon " !), des conseils à presque chaque page. Men's Health aurait déjà fait un tabac dans quinze pays. Aujourd'hui, il débarque en France, avec au sommaire : bien faire l'amour, comment survivre à tout, le guide du joggeur, un manuel bourré d'infos… Au passage ces deux/trois chiffres : un homme mesure en moyenne 1 m 73 et pèse 74 kg, il a 11 partenaires sexuelles dans sa vie, alors qu'un homme sur six n'en a qu'une, il gagne en moyenne 176 150 F par an, fait l'amour pendant 10 minutes, dort 7 h 30, passe 2 h 20 à jouer avec ses enfants et s'éteint à 74,2 ans. Et rendez-vous page 142 pour le conseil le plus utile : comment changer un bébé ?
(Men's Health, n° 1, 20 F)

       Un Clint Eastwood en grande forme
Son avant-dernier film avait déçu, le dernier, à l'affiche depuis le 22 avril, réjouit. Attaque implacable contre la peine de mort, et au passage contre la presse, " Jugé coupable " est porté par un acteur au sommet de son art, qui se moque de toutes les conventions. Steve Everett, alias Clint Eastwood, est un journaliste au bout du rouleau dans le quotidien régional d'Oakland. Il boit, trompe allègrement sa femme malgré son âge parfaitement assumé, galère de petite affaire en petite affaire. Plus personne ne croit en lui depuis qu'il a perdu sa croisade pour la réhabilitation d'un violeur, finalement reconnu coupable. Bref, il a perdu son flair, tout ce qu'il avait de bien dans cette vie. Sa dernière affaire, il en hérite par le plus triste des hasards. Il s'agit d'écrire un papier sur " le côté humain " des dernières heures d'un jeune Noir, condamné à mort pour meurtre. Alors subitement Steve se réveille. Il est maladroit, doute, mais il sait aussi qu'il tient là sa dernière chance. Lui réussira-t-elle ? Le compte-à-rebours jusqu'à la fameuse minute après minuit, l'instant exact de l'exécution, est terrifiant. En parallèle, les discussions entre journalistes sont hilarantes. Le rédacteur en chef, campé par James Woods, est d'un cynisme et d'un mauvais goût à toute épreuve. Clint Eastwood, avec une immense liberté, ne respecte en rien les clichés du genre, pour notre plus grand plaisir.
(Jugé coupable, à l'affiche actuellement)

       Question à Stephan Eicher, 
qui sort son nouvel album le 18 mai


" Quel sera, d'après vous, le morceau préféré de vos fans ? "

       Les médiaphobes se multiplient en Allemagne
Ils en ont assez, assez de la déferlante médiatique quotidienne. Les nouvelles, bonnes ou mauvaises les fatiguent. Ils rêvent de silence et préfèrent leur propre actualité. Déconnectés des journaux, ils sont quand même déjà deux millions en Allemagne, de plus en plus nombreux par ces temps de guerre. Mais qui donc a parlé d'eux ? Un journal, évidemment : la Süddeutsche Zeitung.
(rapporté par Europe 1 le 25/04/99)

Et pour finir...

"Je ne suis pas assez jeune pour tout savoir".
James Matthew Barrie

Up


Dimanche 3 avril 1999
        Jusqu'où ira le XXème siècle ?
Jean-Claude Carrière est un conteur infatigable. Son précédent livre, le " Cercle des menteurs " rassemblait des contes philosophiques du monde entier, à la morale souvent pertinente et d'actualité. Il vient de publier un surprenant " Dictionnaire des révélations historiques et contemporaines ", tout un programme : " des paradoxes sociaux et politiques, des errata de l'histoire, des inventions osées… et quelques balivernes… ". Page 102, il relève avec justesse que " les siècles ont toujours tendance à déborder sur le siècle suivant. Le XVIIe siècle ne s'est terminé qu'en 1715, à la mort de Louis XIV, et le XVIIIe qu'en 1815, à la bataille de Waterloo. Le XIXe siècle s'est prolongé jusqu'au début de la Première Guerre mondiale, en 1914 ". Quand tournerons-nous donc la page du siècle finissant ?
(Plon, 324 p.)

       Des livres électroniques dans 5 ou 10 ans ?
Il en est question à intervalle régulier, mais rares sont ceux qui ont vu de leurs yeux les projets en cours. Il y a ceux du MIT ou de Xerox. Le livre électronique ressemblerait au livre de papier, mais son contenu pourrait changer au gré des envies de son lecteur, passant de Montaigne au dernier Stephen King en quelques secondes de chargement… Imaginez… D'un côté des livres au pouvoir merveilleux, celui de nous proposer des images animées à chaque page, des compléments à la moindre interrogation, transportables n'importe où. De l'autre, la condamnation des bibliothèques, puisqu'un seul livre sera tous les livres à la fois. Tournez la tête vers votre bibliothèque. Tous vos livres seront bientôt ringards, il n'en restera plus qu'un, sur l'étagère du milieu, gris, sans titre puisqu'il pourra porter tous les titres. Cauchemar.
(Le Monde Interactif 31/03/99)

       La priorité des jeunes…
Le numéro d'avril du mensuel Phosphore publie une enquête éloquente sur la façon dont les patrons voient les jeunes. En résumé, ils sont " malléables, dynamiques, créatifs, mais… un peu trop cool ! ". Pire, les patrons ne voient pas d'un bon œil qu'ils aient de plus en plus pour priorité de cultiver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée et n'aient plus la même fidélité à l'entreprise que par le passé. La question n'est-elle alors pas de savoir pourquoi la priorité est à la vie personnelle ? Les patrons ont sans doute la réponse… On en revient à la question posée ici-même il y a quelques semaines par Dominique Méda…
(Phosphore, mensuel, 35 F)

       Le 6 janvier 1854…
Les émissions littéraires n'ont plus la cote. Le temps d'" Apostrophes ", dont l'influence sur le monde de l'édition pouvait atteindre des proportions incroyables, est révolu. Aujourd'hui, les rares programmes consacrés aux livres sont diffusés tard. C'est le cas de " Qu'est-ce qu'elle dit, Zazie ? ", en troisième partie le samedi soir sur France 3. Une de ses rubriques les plus intéressantes est celle des rencontres de lecteurs quelque part en France. Samedi dernier, un octogénaire rencontré en bibliothèque racontait sa passion pour les classiques dont la relecture ne le lasse jamais, pour les philosophes aussi, pour les essais. Il passe 6 heures par jour en moyenne au cœur d'un livre, soit " une chance sur quatre de mourir un livre en main, quelle belle mort ! ", disait-il. Le principal sujet de l'émission était consacré à Sherlock Holmes et à l'engouement de ses fans, réunis en véritables sociétés d'admirateurs. Ils se rencontrent, habillés en costume victorien, pour évoquer l'actualité brûlante du héros de Conan Doyle… Alors qu'il n'en a jamais été question dans aucun livre, ils ont maintenant établi avec certitude la date de naissance de Sherlock, le 6 janvier 1854. Passion quand tu nous tiens…
(Le samedi sur France 3 vers 0 h 00)

       La guerre des cookies…
Elle fait rage sur Internet, avec les petits fichiers espions qui se glissent dans l'ordinateur au hasard des visites, mais ce n'est pas la plus intéressante. Celle qui vise à définir la meilleure recette pour les petits biscuits américains l'est bien davantage. Le mot " cookies " vient du hollandais " Koekje ", " petit biscuit ". La recette originelle aurait donc été emportée au nouveau monde par les premiers émigrants néerlandais. Aujourd'hui, chaque mère de famille américaine possède sa recette, forcément la meilleure… En France, la mode a été importée par la marque Lu il y a quelques années. Désormais, la recette relance le marché des préparations pâtissières à faire soi-même à la maison, sous les marques Ancel ou Alsa. Etes-vous amateur ?
(Le Monde 31/03/99)

       Boisson d'avril…
La société Virgin, présidée par le médiatique Richard Branson, sort ces jours-ci en France un nouveau soda : Virgin Pulp, concurrent d'Orangina. Le coup de pub cette fois ? La publication dans la presse d'une lettre adressée au président d'Orangina. Elle commence par " cher ami " et se termine par cette proposition amicale : " organisons une petite partie de bras de fer ! Si je gagne, je rafle le marché. Si vous perdez, vous vous engagez à ne plus jamais vendre votre produit en France. Vous conviendrez que cette proposition nous épargnera à tous les deux beaucoup d'ennuis et de fatigue inutile. Passez-moi un coup de fil, et fixons un rendez-vous au plus vite. " Personne ne sait s'il est déjà fixé…

       Un vent de Bretagne…
Du jamais vu depuis bien longtemps : le journal Ouest-France n'est pas paru le samedi 3 avril, samedi saint. Motif : une grève pour faire pression sur la direction en pleine discussion sur les 35 heures. Résultat : un manque à gagner de 9 millions de francs et une frustration certaine des lecteurs. Peut-être se seront-ils consolés en écoutant le double CD " Planète Bretagne " qui vient de sortir. Mais il est vrai qu'il s'adresse sans doute davantage aux français de l'intérieur, loin de la Bretagne, mais qui aiment à retrouver son ambiance. " Ici il ne s'agit que de musiques et de chansons, mais d'un pays que j'ai dans le cœur comme tu l'crois pas. Et s'il en est de même pour vous, c'est déjà un premier pas " écrit sur la pochette Ronan Manuel. Comment rester insensible aux balades d'Alan Stivell ou de Tri Yann, au morceau " La Triste vie du Matelot " de Millions de Sabords et aux autres sons de binious ? Impossible. Et si vous avez besoin d'images pendant que vous l'écoutez, partez sur le site de Philip Plisson, peintre de la Marine original, puisqu'il est photographe. C'est lui qui a illustré la pochette de l'album. Sur www.pecheur-d-images.com, il propose des extraits de ses livres sous forme d'images à couper le souffle. A ce moment, ouvrez la fenêtre… Croyez-moi, vous respirerez les embruns… A lire encore, l'édition spéciale d'Ouest-France Dimanche du 14 mars dernier, intitulée " Bretagnes " et consacrée à ces " Bretagnes qui décoiffent… ". Tout sur les musiques, les littératures, les festivals, les modes… Un régal.
"J'entends le loup, le renard et la belette... le loup et le renard chanter..."
(Planète Bretagne, un CD Sony, 159 F)

       " La fille sur le pont " 
La critique n'est pas tendre, cette semaine, avec le nouveau film de Patrice Leconte, " La fille sur le pont ", avec Daniel Auteuil et Vanessa Paradis. Télérama " regrette le réalisateur estimable de " Tandem " et du " Mari de la coiffeuse " ". Le Monde, quant à lui, estime que " la tentative de " La fille sur le pont " et son échec représentent un triste constat quant à la difficulté de maintenir, dans le cinéma français d'aujourd'hui, l'unité entre une ambition artistique et la recherche d'un large public ". Eh bien ! loin de Paris, le spectateur ordinaire que je suis, qui fait partie du fameux " large public ", vous encourage à aller voir ce film. Alors que je m'apprêtais à passer un samedi soir ordinaire, l'invitation est venue au téléphone au travail. A la proposition, j'ai répondu oui sans conviction, parce que l'histoire en noir et blanc d'un lanceur de couteaux et de sa cible ne m'attirait pas plus que cela. A la fin de la soirée, j'avais passé un excellent moment, partagé entre amis. N'est-ce pas cela qui compte ? Le plaisir simple d'être emporté sur un terrain inattendu et d'apprécier la parenthèse. Bien sûr, la moindre scène pourrait être décortiquée. Le style est parfois un peu trop appuyé. Mais ce qui reste à la fin, ce sont deux acteurs merveilleux. Un Auteuil fidèle à lui-même et, surtout, une Vanessa Paradis à la présence à l'écran assez extraordinaire, loin des derniers films manqués auxquels elle a participé. Restent aussi un noir et blanc soigné et une bande originale prenante, dont le charleston inhabituel réjouit. Reste la tranche de vie de deux personnages, dont le spectateur est à mille lieues, et qu'il est heureux d'avoir croisée un instant.
(A l'affiche depuis le 31/03/99)

       Question au lecteur de cette page...


Venez-vous pour la première fois sur ce site ?
Votre réponse ici...dixit@chez.com

       En un coup d'oeil...
55 % des Français ignorent la valeur de l'euro. 3 mois après un lancement ultra-médiatisé, le doute s'installe.@ Actimel, " le geste santé du matin " de Danone, yaourt à boire au " Casei actif ", sort en version enrichie en vitamine C, goût orange. En boire donne bonne conscience le matin, au plus grand profit de la marque, pour qui il s'agit d'un gigantesque succès commercial.

Et pour finir...

"La plus grande chose du monde,
c'est de savoir être à soi."
Montaigne

Up

Lire les mois de Mai / Avril / Mars / Février
Lire seulement les citations
Retour à la page principale
dixit@chez.com

Depuis le 1er février 1999